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12 mai 2003
ROY DUPUIS à la belle époque du jazz montréalais
Par Marc Gadoury
Le tournage de Jack Paradise, un long-métrage écrit et réalisé par Gilles Noël avec Roy Dupuis dans le rôle principal, est actuellement en cours à Montréal. Le film retrace la belle époque du jazz montréalais à travers le personnage de Bob Langlois alias Jack Paradise.
Outre Dupuis, la distribution est aussi composée de Dawn Tyler Watson, Dorothée Berryman, Geneviève Rioux, Roxan Bourdelais, Johanne-Marie Tremblay, Benoît Dagenais et Gregory Hlady.
Jack Paradise raconte l'histoire d'un amour interdit, celle d'un pianiste blanc, Jack Paradise (Dupuis) et d'une chanteuse noire, Curly Brown (Dawn Tyler). Le film s'inspirera parfois de la grande tradition des comédies musicales et d'autres fois il évoquera les différents styles de jazz du siècle et ce, dans l'univers du jazz montréalais de 1929 à 1970.
Jack Paradise est produit par Nanouk Films et Verseau International et le film bénéficie d'un budget de 2,8 millions $US. Le tournage doit se terminer à la fin du mois.
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Entrevue - Roy Dupuis est Jack Paradise
Nous avons découvert un Roy Dupuis totalement débarrassé de son statut de sex-symbol. Honnête, sincère, généreux, fiable, il s'est plié au jeu parfois ingrat de l'interview. En attendant la sortie du film Jack Paradise (Les Nuits de Montréal) de Gilles Noël en février 2004...
Comment cette aventure cinématographique a-t-elle débuté?
Disons qu'elle a des origines théâtrales. Cela remonte à l'époque où j'étais étudiant au secondaire V. J'habitais à Sainte-Rose (Laval) avec ma mère, professeure de piano. Un jour, une de ses anciennes élèves, accompagnée de son copain, est venue nous rendre visite. Comme le couple ne voulait pas passer la soirée à la maison, nous sommes allés voir le film Molière d'Ariane Mnouchkine. À la sortie du cinéma, je savais déjà ce que je voulais. Au collège, j'étudiais les sciences pures. Et pourtant, ce jour-là, après avoir assisté à la simple projection d'un film, j'ai opté pour le théâtre. Avec une copine, nous avons monté Le Malade imaginaire de Molière. Par un concours de circonstances, je me suis retrouvé à l'École Nationale de Théâtre où je suis resté pendant quatre ans.
Et puis vous avez entamé une carrière à la télévision et au cinéma. Entre les deux formes d'expression pour un comédien, le théâtre et le cinéma, laquelle vous met plus à l'aise et vous permet d'être plus combatif?
Je dois avouer que je m'ennuie du théâtre, particulièrement des répétitions. Car c'est là un processus de création incroyablement édifiant. L'art de jouer sur la scène permet au comédien d'explorer différentes avenues, de foncer sur plusieurs directions, de voir les différentes facettes d'un personnage. Au cinéma, il ne possède pas assez de temps pour établir ces liens particuliers. Sans oublier qu'au théâtre, il y a une pression que je trouve saine et énergétique. Par contre, au cinéma, on peut grandement apprécier le côté immédiat de la création filmique. Au théâtre, elle est presque indicible lorsqu'on joue sur scène.
Très jeune, vous avez commencé une carrière cinématographique, que vous poursuivez d'ailleurs, avec des réalisateurs de renom. Cette particularité, accompagnée d'attributs corporels non négligeables, vous a octroyé dès le début un statut de sex-symbol. De quelle façon assumez-vous cette dualité?
En effet, il y a l'acteur et il y a l'image publique. Pourtant, je crois faire bien des efforts pour que la représentation que le public se fait de moi ne trahisse pas mes véritables intentions. Mais, en même temps, cela dépend de qui regarde. Parfois, un premier regard, une première impression peuvent demeurer ancrés dans l'imaginaire collectif.
Sur ce point, je suppose que vous n'acceptez pas la majorité des rôles qu'on vous propose?
Il y a l'art, bien entendu, mais aussi l'argent. Souvent, on est obligé, notamment au début d'une carrière, d'accepter d'incarner des personnages que plus tard, on aurait refusés. Mais très vite, je me suis habitué à lire les scénarios avant d'accepter de jouer. J'en ai même refusés. Il y a le personnage, bien sûr, mais aussi le récit. Il faut qu'il m'intéresse, quitte à ce que le personnage ressemble à celui que j'ai incarné précédemment. Dans un sens, un acteur est un serviteur. Il doit être au service du réalisateur, émotivement et surtout intellectuellement. À partir du moment où je lis un scénario qu'on me propose et qui me plaît, il est impératif que je rencontre le réalisateur pour qu'on partage des idées sur le personnage. La qualité première d'un réalisateur, c'est de faire en sorte que les personnages transportent le récit, l'histoire qu'il veut raconter. Pour ma part, une fois le costume endossé, une fois le personnage incorporé, mes idées deviennent claires et précises. Le dialogue est possible.
Selon le film, arrive-t-il qu'un personnage demeure en vous longtemps après le tournage?
Absolument. Il y a parfois des personnages accaparants qui ne vous quittent plus. Ce fut le cas, entre autres, de celui que j'incarnais dans Being At Home With Claude de Jean Beaudin. Yves m'a poursuivi pendant longtemps.
Dans Jack Paradise (Les Nuits de Montréal), votre tout dernier film où vous tenez le rôle principal, l'action se passe à une époque que vous n'avez pas connue. Comment vous êtes-vous inspiré pour mener à bien votre mission?
J'ai vu énormément de films d'archives. Ce que j'ai découvert et que je ne connaissais absolument pas, c'est la folie qui régnait à cette époque dans l'univers nocturne. Comme si les interdits imposés par la puissante force religieuse de l'époque explosaient une fois la nuit venue. Les oiseaux de nuit avaient un appétit féroce pour la vie. Une fois les lumières du soir allumées, ils devenaient de vrais déchaînés.
L'univers de nuit constituait également un espace social où les barrières raciales n'existaient plus.
C'est tout à fait vrai. Jack Paradise, le personnage principal, est un passionné de musique jazz, la musique des Noirs d'Amérique. Dès le début de sa carrière, il a une profonde admiration pour un peuple qui a contribué admirablement à l'essor de la culture. Pour rendre ce personnage crédible, j'ai suivi un processus d'intellectualisation. J'ai procédé à une structure de la pensée. De par le scénario, je savais déjà quelles étaient ses valeurs, son mode de vie, sa dynamique sociale et artistique. Jack est un artiste, un musicien, un extrême de la société. Cela m'a permis d'aller plus loin dans mon personnage, de lui donner une certaine audace. Jack est aussi un silencieux, un être intérieur. Il s'exprime par le piano.
Vous lui avez donc permis de germer?
En effet. Et, petit à petit, je l'ai laissé décanter ses idées, ses gestes, ses interrogations. C'est à ce moment que le personnage me possédait. Par ailleurs, je ne me suis pas senti obligé de voir jouer des acteurs de cette époque. Inconsciemment, par contre, il est possible qu'un vieux film que j'ai eu l'occasion de voir m'ait laissé une certaine influence.
Dans le domaine du long métrage, c'est surtout au Canada que vous avez joué. Est-ce que tourner ailleurs vous intéresse?
C'est bien simple: ici, c'est chez moi. C'est ici que je me sens le mieux. J'aime voyager, mais pour l'instant, j'aimerais jouer dans un film d'auteur, ici, localement. Il y a, bien sûr, Jack Paradise, mais aussi Monica la Mitraille, de Pierre Houle (dans lequel j'ai un petit rôle) et Manners of Dying, d'après une nouvelle de Yann Martel, premier long métrage de Jeremy Peter Allen; je joue le personnage principal dans ce film tourné au Québec, en anglais.
Cela vous tient vraiment à coeur.
Absolument. Le cinéma d'auteur, c'est vraiment là que ça se passe...