Photo © Agence Premier Rôle
9 octobre 2010
Roy Dupuis et Ovila Pronovost: un rendez-vous de dernière heure
Par Linda Corbo
(Trois-Rivières) Roy Dupuis a bien failli rater son rendez-vous avec Ovila Pronovost.
«Je n'étais pas supposé aller à cette audition. Je partais en France cette semaine-là, où on me proposait un rôle. J'étais déjà sur le poster... J'avais dit à Jean Beaudin que ça ne me donnait rien d'y aller...»
Sur l'insistance du réalisateur, il s'y est tout de même rendu, et y a rencontré le rôle de sa vie.
«C'est le personnage qui a eu le plus d'influence sur ma vie professionnelle et personnelle», dit-il. «Il a changé ma vie.»
Roy Dupuis est tombé sous le charme. «C'était l'écriture, l'intensité... C'était un personnage romantique, mais pas très propre. Il avait de la difficulté avec l'alcool, avec la famille, tout ça m'attirait. C'était un rôle de jeune premier oui, mais en même temps, il me parlait plus que les jeunes premiers à l'américaine qui sont vides.»
Les soirs, après le tournage, Marina Orsini et lui regardaient les «rushes» avec Jean Beaudin.
«Je pensais que la série ne marcherait pas», avoue-t-il aujourd'hui. «L'écriture, les images, je me disais que c'était trop bon, trop intense et trop profond pour que ce soit populaire. Ce n'était pas Lance et Compte, mettons.»
Non seulement il s'est trompé, mais il l'a appris à ses dépens. Roy Dupuis avait alors 25 ans, et était très peu conscient de son pouvoir de séduction. «Pas à ce point-là en tous cas», souffle-t-il.
«Ça s'est passé en une nuit», raconte le comédien. «J'habitais le Carré Saint-Louis et le lendemain (de la diffusion) tout le monde me connaissait. Je me souviens d'être allé jouer au hockey à Québec et c'était fou. En un soir, j'étais devenu la face, le sex-symbol, et les filles... ça n'avait pas d'allure.»
Roy Dupuis explique qu'il a grandi en Abitibi, petit bled où tout le monde se connaissait, avant qu'il ne déménage dans un coin de Laval. «Je suis arrivé en ville à 14 ans et je trippais sur l'anonymat. J'aimais la liberté que ça me procurait et j'ai perdu tout ça en une nuit.»
Dès lors, toutes les fois qu'il voulait parler de son jeu d'acteur, on lui parlait de son statut de sex-symbol. «C'est ça que je trouvais le plus dommage. Mes idoles personnelles, ce ne sont pas des sex-symbol... Sauf peut-être Jim Morrison, et moi c'est le poète que j'aime.»
Pendant le tournage, il n'avait aucune idée de ce qui allait lui arriver, mais il dégustait une atmosphère qui, pour lui, n'a jamais été égalée par la suite en terme d'intensité, incluant sa complicité avec Marina Orsini.
«On ne s'entendait pas du tout. J'ai rushé tout le long...», blague-t-il. «Mais non. Tout allait de soi avec Marina. Jean Beaudin est en partie responsable de ça. Ça a été une chance de travailler avec elle. Il y avait quand même des scènes intenses, et on se nourrissait bien l'un et l'autre.»
Si bien que la tentation d'une véritable relation entre eux s'est pointée. «C'est pas moi qui vais dire le contraire», dit-il en riant.
Ceci dit, il n'adhère pas à la thèse de sa comparse, qui considère que la passion à l'écran aurait peut-être été moins vive, le cas échéant. «Je pense pas, moi. Même que ça peut aider à aller encore plus loin dans l'intimité», argue-t-il. «C'est comme ça que j'ai connu ma blonde...»
Ceci dit, quand Roy Dupuis se remémore la fameuse scène torride où Ovila Pronovost approchait Émilie Bordeleau pendant qu'un étalon montait une jument devant eux, ses souvenirs sont bien différents de ceux des téléspectateurs.
«C'est moi qui l'ai dressé cet étalon-là», affirme-t-il, non sans fierté, avant d'élaborer sur la complicité qu'il a développée avec cette bête. «C'était mon bébé», dit-il. «Il y a un dialogue qui s'installe et à un moment donné, c'est comme s'il te dit: "dis-moi qui je suis". Il y a ce lien-là qui est nouveau et intense.»
Bref, l'étalon avait trois ans, et n'avait jamais accouplé une jument de sa vie avant le rendez-vous qu'on lui avait réservé sur ce plateau.
«Cette fameuse scène-là, je suis dans la grange avec lui. Je le tiens et lui, il la sent, la jument...»
Au signal, l'acteur devait l'amener dans le parc rejoindre la «convoitée». Mais au moment de s'y rendre enfin, on a crié «Coupez!».
«Il a fallu que je le ramène à la grange! Ils ont fait ça deux fois, pauvre petit. J'ai réussi à le faire virer mais il marchait de côté et me regardait en voulant dire... C'est là que j'ai vu comment ça pouvait être attachant un cheval. C'était rendu mon cheval.»
Ayant grandi en Abitibi, Roy Dupuis avait l'habitude des paysages dans lesquels il se retrouvait. «La Mauricie est très belle, avec son côté vallonneux. Mais on était dans notre bulle, là-bas.»
Il n'est revenu qu'une fois ou deux, dit-il, pour faire du canot au parc de la Mauricie. La région n'en demeure pas moins le berceau de sa vie professionnelle. «Disons qu'après ça, je n'ai jamais manqué de contrat!», sourit-il.
Source:
Le Nouvelliste
http://www.cyberpresse.ca/le-nouvelliste/week-en/201010/08/01-roy-dupuis-et-ovila-pronovost
Photo © Agence Premier Rôle
Ce qu'en dit le réalisateur, Jean Beaudin
(Trois-Rivières) Le réalisateur Jean Beaudin survolait le Québec en hélicoptère lorsqu'il a choisi la Mauricie pour y tourner Les Filles de Caleb. «Je regardais les endroits où on pouvait faire un 360 degrés sans fils électriques. Quand j'ai vu ce coin-là, avec ses montagnes et ses lacs, ça a été un coup de coeur. C'était un paysage qui avait le côté campagne, très 1800-1900.»
Ce jour-là, il était toutefois loin de se douter que pendant sa diffusion en 1990 et 1991, sa série monopoliserait 95% des téléspectateurs qu'il était possible d'atteindre au Québec.
Jean Beaudin travaillait déjà avec Marina Orsini sur le téléroman L'Or et le Papier et avait noté la ressemblance entre son énergie et celle d'Émilie Bordeleau. Quant à Ovila, les auditions se sont succédées, jusqu'à Roy Dupuis.
«J'ai vu des centaines de comédiens, mais quand je suis arrivé à lui... Il y avait d'abord son talent d'acteur, mais aussi, il y avait un match entre Marina et lui. Je sentais une chimie entre les deux qui m'indiquait qu'on pourrait croire en cette histoire d'amour incroyable.»
Sur le plateau de tournage, se souvient-il, la chimie s'est matérialisée. Quand il parle des moments marquants du tournage, il évoque la scène où Ovila reconduit Émilie à l'école, la naissance de leur amour.
«Quand on a regardé les rushes le soir, j'ai compris que ça allait marcher à mort. C'était écoeurant», souffle-t-il. «J'en ai des frissons encore 20 plus tard. Puis il y a eu le moment avec le cheval. Leur fébrilité, on la sentait à 1000 pieds de distance. Ce sont des moments que je n'oublierai jamais.»
Après le succès des Filles de Caleb, dont il entend parler encore après 20 ans, Jean Beaudin a tourné Being at Home with Claude, avec Roy Dupuis. Il a ainsi marqué la coupure qui se devait, en se plongeant dans un drame tout à fait contemporain cette fois.
Marina Orsini et lui sont demeurés très proches. «Quand je la vois, c'est comme hier.» Mais il ne voit plus vraiment Roy Dupuis.
«À l'époque, il était très jeune. C'était le gars un peu bum, un peu wild, très renfermé, on n'a pas développé de relation intime mais Dieu que je l'ai aimé cet homme-là. Il était et il est encore d'une droiture... Et il comprend la dramatique de manière inouïe.»
Le cinéaste suit aujourd'hui sa carrière à distance et avec plaisir. «Il est engagé, il est profond. C'est devenu un très beau gars.»
Source:
Linda Corbo / Le Nouvelliste
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La Mauricie, le coup de coeur de Jean Baudin
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Ce qu'en dit sa partenaire, Marina Orsini
(Trois-Rivières) De Marina Orsini, on connaissait alors la Suzie Lambert de Lance et Compte. Son Émilie Bordeleau est née à Saint-Jean-des-Piles alors que la comédienne n'avait que 21 ans, en 185 jours de tournage qu'elle n'est pas prête d'oublier. «Il est arrivé tellement de choses sur ce plateau. Des histoires d'amour, des divorces, des naissances, des ruptures» Et le décès de son père, d'un cancer généralisé.
Jean Beaudin est devenu son grand complice, Nathalie Mallette sa grande amie, et Roy Dupuis son Ovila. «Roy restera toujours une personne extrêmement spéciale dans ma vie et dans mon coeur. Quand on se voit, encore aujourd'hui, il y a la même complicité.»
Si Émilie Bordeleau et Ovila Pronovost ont marqué le Québec par leur histoire d'amour, c'est que la chimie était au rendez-vous entre les comédiens, dit-elle. «On avait une affinité, une chimie qui passait à l'écran. C'est comme si on savait comment l'autre fonctionnait. Ce n'est pas quelque chose que tu peux inventer, ça. C'est là. Tous les deux, on est des personnalités bouillantes, passionnées, alors le plaisir était là.»
Et bien que plusieurs Québécois les voyaient déjà unis dans la vie, il n'en fut rien. «On aurait peut-être voulu, mais on avait déjà nos vies amoureuses chacun de notre côté», sourit-elle. «Et peut-être que si on était devenu un vrai couple pendant le tournage, ça n'aurait pas été si fort à l'écran.»
Source:
Linda Corbo / Le Nouvelliste
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Un personnage de haut calibre
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